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Commissione Ue, genocidio Armeno e Turchia

Pour la Commission Européenne:

  • Les « évènements tragiques de 1915-1916 » sont un facteur de conflit entre la Turquie et l'Arménie
  • La Turquie doit se réconcilier avec l'Arménie
  • Mais le terme de génocide reste tabou

La Commission européenne a présenté ce mercredi 6 octobre un avis positif sur la demande d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. En donnant cet avis étayé par trois textes - (un rapport sur les « progrès » réalisés par Ankara au regard des critères de Copenhague, un autre sur l'impact de l'adhésion turque et enfin un texte de recommandations), la Commission laisse au Conseil Européen le soin de décider de l'ouverture des négociations.

Elle précise néanmoins que « toute rupture dans cette démarche vers la
démocratie, les droits de l'Homme, les libertés fondamentales [...] entraînera ipso facto l'arrêt des négociations ». Pour la première fois dans un texte de l'exécutif européen, en
l'occurrence dans le rapport d'impact, la question du génocide fait l'objet d'un paragraphe (i) . Elle est soulevée par les termes anodins d'« événements tragiques » et de « souffrances humaines de 1915-1916 », comme un motif du conflit de la Turquie avec l'Arménie, que le pays candidat devrait tenter de résoudre. La Commission ajoute que la perspective d'adhésion devrait pousser la Turquie à l'amélioration de ses relations, et à la réconciliation avec l'Arménie sur « ces événements tragiques ». Le rapport d'impact considère que tout ceci permettrait à l'Europe de jouer un rôle important, par le biais de la Turquie, dans le sud du Caucase, y compris dans le conflit du Karabagh, et autour de la Mer Caspienne.

Quant au rapport régulier sur les « progrès » réalisés par la Turquie, la Fédération Euro-Arménienne note qu'il mentionne de très nombreuses violations, dont l'ampleur contredit de manière insoutenable l'avis positif émis par la Commission. Ce rapport pointe notamment de multiples manquements aux critères de Copenhague relatifs aux droits de minorités. Le document dénonce les pratiques discriminatoires qui frappent les minorités non musulmanes, et déplore que les manuels d'histoire véhiculent une image négative de ces dernières. Cependant, il allègue que les autorités promettent de ne plus pratiquer ces discriminations (ii). Le document mentionne le problème de la direction bicéphale des écoles arméniennes dont l'adjoint du directeur, représentant le Ministère de l'Education, doit toujours être un musulman aux pouvoirs supérieurs à ceux du directeur arménien. Enfin, l'insuffisance de l'enseignement de la langue arménienne a été citée. Dans le domaine de la liberté religieuse, les obstacles rencontrés par les minorités religieuses non musulmanes sont
relatés très sommairement (iii).

La criminalisation du génocide des Arméniens a trouvé timidement une place dans ce même rapport. Ainsi, dans le chapitre consacré à la liberté d'expression, toujours en évitant de nommer le génocide, la Commission dénonce l'article 305 (ex- 127, 308, 306 ) du code pénal turc, qui prévoit une peine d'emprisonnement pour toute personne affirmant le génocide dans les médias et les publications (voir notre communiqué du 28/09/04). Le rapport considère que les exemples cités dans l'exposé des motifs de cet article sont contraires à la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

La Fédération Euro-Arménienne estime qu'en censurant le terme de génocide par l'utilisation d'appellations incorrectes ou par le silence, la Commission européenne s'exerce au jeu de l'ambiguïté qui prolonge le négationnisme de la Turquie. « Parler du génocide sans le nommer, quand le code pénal turc criminalise explicitement son affirmation, est un signe avant-coureur du danger qui menace notre liberté d'expression dès avant toute intégration de cet Etat négationniste » a affirmé Hilda Tchoboian la présidente de la Fédération Euro-Arménienne.

La Fédération constate que malgré cette censure, ce nouveau rapport n'a pas totalement écarté la question du génocide à la différence des rapports
précédents. Elle s'accorde avec la Commission sur la responsabilité qu'a
la Turquie de se réconcilier avec l'Arménie. Elle considère cependant qu'en confinant cet immense crime contre l'Humanité aux relations bilatérales entre la Turquie et l'Arménie, la Commission fuit sa responsabilité d' intégrer le génocide dans ses exigences face à la Turquie. La Fédération affirme également que l'intention annoncée par la Commission de donner un rôle pacificateur à la Turquie au sud du Caucase relève d'une pure utopie : «Dans une région à l'équilibre aussi fragile, vouloir donner un tel rôle à un pays surarmé, agressif et qui n'a pas officiellement renoncé à ses visées territoriales est plus une déclaration de guerre qu'une contribution à la sécurité et la stabilité de la région» a affirmé Hilda Tchoboian. La Fédération rappelle que la Turquie n'a jamais infirmé l'existence de son plan d'invasion de l'Arménie datant d'il y a à peine dix ans.
«Pour la réconciliation sur le génocide, c'est le devoir de l'Europe que
de se référer à la fois à la pratique et au Droit internationaux: reconnaissance, demande de pardon, réparation, et garantie de non répétition du génocide» a énoncé la présidente de la Fédération Euro-Arménienne. «Toutes les composantes du peuple arménien veulent une véritable réconciliation conforme aux règles internationales et qui garantisse le droit à la sécurité et à la vie des Arméniens et de l'Arménie. » a-t-elle conclu.
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extraits pertinents des rapports :
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(I) L'adhésion de la Turquie étendrait les frontières de l'UE à l'Arménie, à l'Azerbaïdjan et à la Géorgie. Par la Turquie, l'UE pourrait avoir une influence stabilisatrice dans le Caucase méridional, à condition que la Turquie soit disposée à essayer de résoudre les conflits avec ses voisins dès avant son adhésion. En particulier, elle devra améliorer ses relations avec l'Arménie en établissant des relations diplomatiques et en ouvrant la frontière terrestre, qui est actuellement fermée. Un autre aspect important est celui de l'interprétation des événements tragiques, notamment la souffrance humaine, qui se sont produits dans la région en 1915/1916.

[NDLR la version anglaise qui fait foi est différente et mentionne:
As regards the tragic events, in particular the human suffering in the region in 1915/1916, the prospect of Turkey's accession must lead to an improvement
in bilateral relations with Armenia and to reconciliation as regards these events.] La perspective de l'adhésion de la Turquie doit conduire à une amélioration des relations bilatérales avec l'Arménie et à la réconciliation en ce qui concerne ces événements. Il est également important que la Turquie contribue à l'atténuation des tensions entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie dans le conflit concernant le Haut-Karabakh. Les relations de l'UE avec l'Azerbaïdjan, la Géorgie et les pays riverains de la mer Caspienne, riche en pétrole, pourraient également être s'améliorer à la suite de l'adhésion de la Turquie.

(II) Les manuels d'histoire pour l'année scolaire 2003-2004 représentent
toujours les minorités comme peu fiables, déloyales et dangereuses pour l'
État. Les autorités ont cependant commencé à corriger le discours
discriminatoire dans les manuels scolaires, et en mars 2004, un règlement a établi que les manuels scolaires ne devaient pas faire de discrimination
sur la base de la race, de la religion, du sexe, de la langue, de l'ethnie, de la croyance philosophique ou de la religion.

(III) Le dialogue avec les autorités sur la question de la direction bicéphale dans les écoles juives, grecques et arméniennes (l'adjoint du directeur de ces écoles est un musulman représentant le ministère de l'Éducation et a davantage de pouvoirs que le directeur lui-même) se poursuit. En mai 2004, le ministère de l'Éducation a déclaré que les enfants dont la mère appartient à une communauté minoritaire pouvaient aussi fréquenter ces écoles (auparavant, seuls les enfants dont le père était issu de la minorité pouvaient fréquenter ces écoles). Il n'en reste pas moins que la déclaration par les parents de leur appartenance à une minorité fera l'objet d'une évaluation par le ministère de l'Éducation. La communauté grecque a rencontré des difficultés pour obtenir l'approbation de nouveaux matériels didactiques et la reconnaissance de professeurs formés à l'étranger. En outre, en violation de la loi de 2003 sur le travail et contrairement à leurs collègues d'origine turque, les professeurs appartenant à la minorité grecque ne peuvent enseigner que dans une seule école. La communauté arménienne s'est, quant à elle, inquiétée de l'insuffisance de l'enseignement de la langue arménienne.