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11 March. 2010 DERNIERE MINUTE : Le Parlement de Suède reconnaît le Génocide des Arméniens
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jeudi11 mars 2010, par Stéphane/armenews
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=59227
Le Parlement de Suède a voté cet après-midi la motion 2008/09 :U332 reconnaissant le génocide de 1915 des arméniens, assyriens/syriens/chaldéens et des grecs pontiques par une voix d’avance 131 pour et 130 contre.
Info transmise par notre correspond Guy Marcossian
Motion 2008/09 :U332 Le génocide de 1915 des arméniens, assyriens/syriens/chaldéens et des grecs pontiques Motion au Parlement
2008/09 :U332
de Hans Linde avec d’autres (parti de gauche, vert, chrétien démocrate, social démocrate, parti du peuple)
1 Proposition de décision parlementaire
Au Parlement de déclarer son avis au gouvernement tel que mentionné dans la proposition pour que la Suède reconnaisse le génocide de 1915 des arméniens, assyriens/syriens/chaldéens et des grecs pontiques.
Au Parlement de déclarer son avis au gouvernement tel que mentionné dans la proposition pour que la Suède agisse au sein de l’UE et de l’ONU pour une reconnaissance internationale du génocide de 1915 des arméniens, assyriens/syriens/chaldéens et grecs pontiques.
Au Parlement de déclarer son avis au gouvernement tel que mentionné dans la proposition pour que la Suède agisse afin que la Turquie reconnaisse le génocide de 1915 des arméniens, assyriens/syriens/chaldéens et grecs pontiques.
2 Contexte
"Forum för levande historia" (Forum pour une histoire vivante) est une instance qui a pour tâche - à la lumière de l’Holocauste - de travailler autour des questions de tolérance, de démocratie et des droits de l’homme. En éclairant les parties les plus sombres de l’histoire de l’humanité, nous voulons agir sur l’avenir.
Telle est la description d’un service travaillant sous le mandat du gouvernement suédois et qui est chargé entre autres d’inculquer le génocide de 1915. L’enseignement de l’histoire est l’élément essentiel des démocraties actuelles qui de part l’apprentissage de ses erreurs passées et de la prévention de ses répétitions aspirent à un avenir meilleur. Mais la prévention des fautes futures, particulièrement lorsqu’elles sont connues au travers de l’histoire, ne peut avoir lieu si les erreurs commises ne sont pas ouvertement reconnues. Le révisionnisme historique est par conséquent un outil dangereux favorisant la répétition des pages sombres de l’histoire.
Le génocide de 1915 toucha principalement les arméniens, les assyriens/syriens/chaldéens et les grecs pontiques mais affecta également plus tard d’autres minorités. C’était le rêve d’un grand empire turc, le Touran, qui incita les dirigeants turcs après l’effondrement de l’Empire ottoman vers la fin du 19e siècle à vouloir homogénéiser ethniquement le restant. Ceci se réalisa sous couvert de la guerre mondiale où la population arménienne, assyrienne/syrienne/chaldéenne et grecque pontique de l’Empire fut presque totalement anéantie. Les chercheurs estiment qu’environ 1 500 000 arméniens, 250 000 à 500 000 assyriens/syriens/chaldéens et environ 350 000 grecs pontiques furent tués ou disparurent.
Durant la courte période qui succéda à la défaite de la Turquie en 1918 jusqu’au mouvement nationaliste turc dirigé par Mustafa Kemal, le génocide était ouvertement abordé. Les dirigeants politiques et militaires furent traduits en justice et accusés de "crimes de guerre" et de "crimes contre l’humanité". Plusieurs ont été reconnus coupables et condamnés à mort ou à l’emprisonnement. Au cours de ces procès les horribles détails des persécutions à l’encontre des minorités dans l’Empire ottoman furent mis à jour. La Turquie avait alors connu une phase similaire à celle de l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. Le processus cependant ne dura pas longtemps. L’émergence du mouvement national turc et la dissolution du sultanat débouchèrent sur l’interruption des procès et la libération de la plupart des accusés. La quasi-totalité de la population chrétienne restante - les arméniens, assyriens/syriens/chaldéens et grecs pontiques - fut chassée des régions dans lesquelles elle habitait depuis des milliers d’années.
3 La Convention des Nations Unies de 1948 sur le génocide, le Parlement européen et la reconnaissance officielle
Raphael Lemkin, l’avocat juif polonais qui inventa le terme "génocide" (folkmord) dans les années 1940 et qui fut l’auteur de la Convention des Nations Unies sur la prévention et la répression du crime de génocide, était bien au fait du génocide de 1915 et de l’échec de la communauté internationale à intervenir. Sa définition a été adoptée dans la Convention des Nations Unies comme suit :
Article 2) << Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
. meurtre de membres du groupe ;
. atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
. soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
. mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
. transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ; >>
De plus, la Convention des Nations Unies de 1948 n’est point une nouvelle loi mais simplement l’application des lois internationales existantes sur les "crimes contre l’humanité" telle que désignée dans le traité de Sèvres dans l’article 230 (1920). Plus important encore est le principe de la Convention des Nations Unies quant à l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité (Convention on the Non-Applicability of Statutory Limitations to War Crimes and Crimes Against Humanity), adopté le 26 novembre 1968, en vigueur depuis le 11 novembre 1970, qui établit leur nature rétroactive et imprescriptible. C’est la raison pour laquelle les deux massacres, celui de l’Empire ottoman et la Shoah, sont qualifiés comme des cas de génocides en vertu de la Convention des Nations-Unies, bien que les deux ont eu lieu avant l’existence de la Convention.
Au cours de l’histoire de l’ONU, deux grandes études/rapports ont qualifié le crime de génocide. Le premier dans le rapport de Ruhashyankiko de 1978 et le second dans le rapport Whitaker, rédigé par Benjamin Whitaker en 1985 (Economic and Social Council Commission on Human Rights, Sub-Commission on Prevention of Discrimination and Protection of Minorities, Thirty-eighth session, Item 4 of the provisional agenda, E/CN.4/Sub.2/ 1985/6).
Le génocide de 1915 est mentionné dans plusieurs lieux comme exemple de génocide commis au 20e siècle. Le rapport fut adopté par une sous-commission des droits de l’homme de l’ONU par un vote de 14 contre 1 (quatre abstentions) en août 1985. Le 18 juin 1987 le Parlement européen reconnut officiellement le génocide des arméniens. Depuis 1965, c’est-à-dire depuis le 50e anniversaire du génocide, un certain nombre de pays et d’organisations ont officiellement reconnu le génocide de 1915, dont l’Uruguay (1965), la Chypre (1982), la Russie (1995), la Grèce (1996), le Liban (1997), la Belgique (1998), la France (1998), l’Italie (2000), le Vatican (2000), la Suisse (2003), l’Argentine (2003), le Canada (2004), la Slovaquie (2004), les Pays-Bas (2004), la Pologne (2005), le Vénézuéla (2005), l’Allemagne (2005), la Lituanie (2005), le Chili (2007).
4 La recherche sur le génocide de 1915 et la connaissance suédoise
Après l’Holocauste le génocide de 1915 est considéré comme l’un des cas les plus étudiés dans les temps modernes. Il existe aujourd’hui un large et interdisciplinaire consensus parmi une majorité écrasante des spécialistes du génocide pour lequel les massacres dans l’Empire ottoman, durant la Première Guerre mondiale, constituaient un génocide dont les chercheurs nomment << le génocide prototype >> (alors que l’Holocauste est appelé << le génocide archétype (paradigme) >>).
L’Association Internationale des Chercheurs sur le Génocide (International Association of Genocide Scholars, IAGS), leader mondial indépendant et autorité interdisciplinaire en la matière, a à plusieurs reprises déclaré un consensus sur cette question, à savoir : le 13 juin 1997, le 13 juin 2005, le 5 octobre 2007 et le 23 avril 2008.
Contenu du texte de la résolution en date du 13 juillet 2007 :
<< Dans la mesure où la négation du génocide est généralement considérée comme la dernière étape d’un génocide, abandonne toute condamnation de ceux qui les ont commis et conduit incontestablement à ouvrir la voie à de futurs génocides ;
Dans la mesure où le génocide des minorités par les ottomans pendant et après la Première Guerre mondiale désigne en général le génocide perpétré exclusivement à l’encontre des arméniens, avec une reconnaissance partielle des génocides qualitativement semblables des autres minorités chrétiennes de l’Empire ottoman ;
Disons clairement les choses, c’est la conviction parmi l’Association Internationale des Chercheurs sur le Génocide que la campagne ottomane à l’encontre des minorités chrétiennes dans l’Empire entre 1914 et 1923 constituait un génocide contre les arméniens, assyriens et les grecs pontiques et anatoliens.
Disons clairement aussi, l’Association appelle le gouvernement de la Turquie à reconnaître le génocide à l’encontre de ces minorités, qu’il présente des excuses officielles et que des pas rapides et significatifs soient entrepris pour leur réparation. >>
Le 8 juin une soixantaine de spécialistes des génocides de renom dans le monde signèrent un appel adressé aux parlementaires dans lequel étaient rejetées toutes allégations quant à un désaccord parmi les chercheurs concernant le génocide de 1915. La recherche doit se poursuivre, et la Turquie tout comme le reste du monde sont tenus d’assurer un environnement ouvert, indépendant et serein ; pour cela la Turquie doit entre autres donner un plein accès à ses archives et autoriser les débats sans que les chercheurs, écrivains, journalistes et éditeurs risquent de s’exposer à des poursuites pour avoir révélé la réalité du génocide.
De nouvelles recherches à l’Université d’Uppsala affirment même l’existence d’une connaissance suédoise approfondie du génocide de 1915. Le Ministère suédois des Affaires étrangères et l’état-major étaient bien informés quant à l’extermination en cours au travers de rapports de l’ambassadeur suédois Per Gustav August Cosswa Anckarsvärd et de l’attaché militaire suédois Einar af Wirsén (tous deux en poste à Constantinople) envoyés à Stockholm. Parmi ces rapports, nous pouvons lire :
. Anckarsvärd, 6 juin 1915 : << Monsieur le Ministre, les Persécutions à l’encontre des arméniens ont atteint des proportions terribles et tout porte à croire que les Jeunes Turcs veulent saisir de l’opportunité, dans la mesure où pour des raisons diverses aucune pression extérieure n’est à craindre, pour mettre une fois pour toutes un terme à la question arménienne. La méthode à cet effet est tout assez simple et consiste à l’extermination de la nation arménienne. >>
. Anckarsvärd, 22 juillet 1915 : << Ce ne sont pas seulement les arméniens mais aussi les sujets turcs de nationalité grecque qui sont actuellement sous le coup de persécutions terribles... D’après monsieur Tsamados [chargé d’affaires grec] il ne s’agirait rien d’autre qu’une guerre d’extermination contre la nation grecque de Turquie... >>
. Anckarsvärd, 2 septembre 1915 : << Les six vilayets arméniens sont probablement totalement vidés au moins de ses (apostoliques)-catholiques arméniens... C’est une évidence, les turcs cherchent aujourd’hui l’occasion en pleine guerre à anéantir la nation arménienne pour que la question arménienne n’existe plus lorsque reviendra la paix. >>
. Wirsén, 13 mai 1916 : << La situation sanitaire en Irak est épouvantable. Le typhus emporte d’innombrables victimes. La persécution des arméniens a grandement contribué à la propagation de la maladie, dans la mesure où des centaines de milliers de personnes meurent de faim et de privation le long des chemins. >>
. Anckarsvärd, 5 janvier 1917 : << La situation aurait cependant pu être tout à fait différente, si la Turquie avait suivie le conseil des Empires Centraux de leur laisser également l’organisation interne des ravitaillements - tout comme d’autres questions ... Le pire c’est que l’extermination des arméniens aurait tout autant pu être évité, si les conseillers allemands avaient eu à temps le même pouvoir sur l’administration civile comme les officiers allemands... >>
. L’envoyé Ahlgren, 20 août 1917 : << La cherté de la vie s’est considérablement aggravée ... Il y a plusieurs causes : ... et enfin, une baisse massive de la production en raison d’une main d’oeuvre réduite causée en partie par la mobilisation et en partie par l’extermination de la race arménienne. >>
Dans ses mémoires "Mémoires de Paix et de Guerre" (Minnen från Fred och Krig, 1942), Wirsén consacra un chapitre entier sur le génocide. Dans "Le Meurtre d’une nation" (Mordet på en nation) Wirsén écrit que
<< [les déportations] avaient pour but officiel de déplacer l’entière population dans les steppes du nord de la Mésopotamie et de la Syrie, mais en réalité elles visaient à l’extermination des arméniens... L’anéantissement de la nation arménienne en Asie Mineure ne peut que révolter tous les sentiments humains. C’est sans aucun doute le plus grand crime commis au cours de ces derniers siècles. La manière dont le problème arménien a été résolu était horrifiante. >>
Il existe en plus de cela des rapports de témoins oculaires comme celles de missionaires ou de travailleurs sur le terrain tels que Alma Johansson, Maria Anholm, Lars Erik Högberg, E. John Larson, Olga Moberg, Per Pehrsson entre autres qui furent publiés. Hjalmar Branting a été la toute première personne qui, bien avant Lemkin, utilisa le terme de génocide (folkmord) lorsqu’un 26 mars 1917 il qualifia la persécution des arméniens comme étant << un génocide (folkmord) organisé et systématique, la pire chose que nous n’ayons jamais vue en Europe >>. (folkmord : folk = peuple ; mord = meurtre)
Une reconnaissance du génocide de 1915 n’est pas simplement importante pour que les groupes ethniques touchés et les minorités toujours présentes en Turquie obtiennent réparation, mais cela l’est aussi pour promouvoir le développement de la Turquie. La Turquie ne peut devenir une meilleure démocratie si la vérité sur son passé est niée. Le journaliste arménien Hrant Dink a été assassiné pour avoir parlé ouvertement du génocide et plusieurs autres ont été poursuivis pour le même motif en vertu du fameux paragraphe 301.
La modification récente de la loi par le gouvernement turc n’est que purement cosmétique et n’implique en rien un quelconque changement. L’on dit parfois que l’histoire doit être écrite par des historiens, et nous sommes entièrement d’accord. Mais il incombe de la responsabilité politique que de se rapporter aux faits historiques et aux travaux des historiens. De plus, une reconnaissance suédoise de la vérité et des faits historiques ne peut constituter un quelconque obstacle que ce soit pour le processus de réforme de la Turquie ou pour les négociations de la Turquie avec l’Union Européenne. Sur la base de ce que nous avons indiqué plus haut, nous estimons que la Suède devrait reconnaître le génocide de 1915 des arméniens, assyriens/syriens/chaldéens et des grecs pontiques. Le Parlement devrait faire part de cet avis au gouvernement.
Nous pensons que la Suède devrait agir internationalement au sein de l’UE et de l’ONU pour une reconnaissance internationale du génocide de 1915 des arméniens, assyriens/syriens/chaldéens et des grecs pontiques. Le Parlement devrait faire part de cet avis au gouvernement.
Aussi longtemps que des pays comme la Suède ne confronteront pas la Turquie avec la vérité et les documents à sa disposition, la Turquie ne pourra avancer sur la voie d’une société plus ouverte, plus démocratique en ouvrant totalement les possibilités d’adhésion à l’UE. C’est pourquoi la Suède devrait agir pour que la Turquie reconnaisse le génocide de 1915 des arméniens, assyriens/syriens/chaldéens et des grecs pontiques. Le Parlement devrait faire part de cet avis au gouvernement.
Stockholm, le 2 octobre 2008
Hans Linde (parti de gauche)
Max Andersson (vert) Bodil Ceballos (vert)
Esabelle Dingizian (vert) Annelie Enochson (chrétien démocrate)
Yilmaz Kerimo (social démocrate) Kalle Larsson (parti de gauche)
Helena Leander (vert) Fredrik Malm (parti du peuple)
Lars Ohly (parti de gauche) Nikos Papadopoulos (social démocrate)
Mats Pertoft (vert) Lennart Sacrédeus (chrétien démocrate)
Alice Åström (parti de gauche) Christopher Ödmann (vert)
Traduction Guy Marcossian
Ludwig Naroyan
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