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050817 - Quelles seraient les frontières orientales qfficielles de l’UE ?
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Da HUNANITE’/17/8/05
Voyage aux confins de la Turquie
Si le territoire turc intégrait l’Union européenne... Quelles seraient les frontières orientales qfficielles de l’UE ?
Correspondance particulière.
Posof, poste frontière turco-géorgien. Au terme d’une route de montagne dont chaque virage laisse apparaître le tracé du BTC (l’oléoduc qui relie la mer Caspienne à la Méditerranée via Bakou (Azerbaïdjan), Tbilissi (Géorgie) et Ceyhan (Turquie), la petite ville aux airs de station thermale semble perdue au milieu de la forêt. Posof, futur poste frontière entre l’Union européenne et le Caucase ? Pour le moment, le village a des airs de bout du monde. « Il ne passe qu’une vingtaine de camions par jour, soupire Serkan, jeune douanier turc.
Chargés de salami, de farine et de biscuits, en provenance de Turquie pour approvisionner le Caucase. » Un peu de trafic légal... « Et des échanges clandestins dans les montagnes alentour », reconnaît l’officier. Sur lesquels plane, loin des préoccupations locales, un lourd enjeu géostratégique. Le Caucase est en effet riche en ressources énergétiques et suscite les convoitises.
Via le nouvel oléoduc, les États-Unis cherchent à y étendre leur sphère d’influence, grignotant les marges de l’ex-empire soviétique, et sur la proximité européenne, côté turc. Ils soutiennent depuis 1994 le projet du BTC, en grande partie financé par BP (British Petroleum). Alors... depuis le premier coup de pelleteuse donné en octobre 2003, le chantier avance, ignorant les cimetières villageois qu’il déchire sur son passage. Éric, ouvrier français sur le tronçon turc du pipeline, s’emporte : « Les paysans ne sont quasiment pas indemnisés quand on les exproprie de leur champ ! » Le chantier pharaonique a pris du retard : inauguré en mai dernier, il ne sera en service qu’à l’automne prochain. Certains espèrent des retombées économiques positives d’un tel projet. Mais l’oléoduc ne fait que traverser la région. Beaucoup aussi critiquent son coût (2,8 milliards d’euros). Et si la clé d’un tel chantier était politique ? Ce financement hors du commun est en effet en partie dû au fait que le tube a dû contourner le Kurdistan turc et l’Arménie.
Turquie-Arménie. Une relation minée par le poids des massacres perpétrés il y a plus de quatre-vingt-dix ans. En 1915, en marge de la Première Guerre mondiale, le gouvernement Jeune-Turc d’un Empire ottoman déclinant ordonnait une féroce répression du peuple arménien. Plus d’un million de personnes mouraient au cours de massacres et de déportations. Un siècle plus tard, ce génocide est toujours nié par les autorités turques et reste ignoré ou tabou dans la société. Turquie-Arménie, une relation minée par des dissensions politiques plus récentes aussi. En effet, depuis 1993, par solidarité avec ses « frères de sang d’Azerbaïdjan », le gouvernement d’Ankara a fermé la frontière, en réponse à la prise de pouvoir par les milices arméniennes du Haut-Karabakh, une province azerbaïdjanaise peuplée majoritairement d’Arméniens. Ankara a de facto provoqué le blocus économique d’une Arménie exsangue. Et asphyxié du même coup sa propre région frontalière, la province de Kars, devenue un cul-de-sac.
Kars, un matin de semaine. Dans les rues poussiéreuses passent quelques voitures. Sur les trottoirs accidentés, les hommes palabrent, une cigarette à la main, autour d’un traditionnel verre de thé. Les femmes vaquent, d’une échoppe à l’autre. Dans cette cité de 80 000 habitants située à 45 km de la frontière arménienne, le chômage touche plus de la moitié de la population. Il fut un temps lointain où Kars était riche, ville carrefour située sur la Route de la soie... Aujourd’hui, la région souffre. Elle figure au 71e rang en termes de richesses produites sur les 80 districts que compte la Turquie.
Alors, pour des raisons économiques, les habitants, dans leur immense majorité, veulent la réouverture de la frontière. Le maire de Kars, Naif Alibeyoglu (voir entretien), a même lancé une pétition à ce sujet qui a recueilli 50 000 signatures. Régulièrement, il se rend à Ankara pour plaider auprès du gouvernement la cause de sa région. Sans succès pour l’instant. Le fossé entre Ankara et Erevan reste infranchissable. À la frontière, les miradors trônent, menaçants, le long des 300 km montagneux qui séparent les deux pays. L’ancienne limite du glacis soviétique pendant la guerre froide demeure encore l’une des frontières les plus surveillées du continent.
En route vers le poste frontière. Des champs à perte de vue, quelques tracteurs, des cueilleurs à l’échine courbée. Seul ornement des villages de torchis : les antennes paraboliques. Au bout de la route, Ani, l’ancienne capitale du royaume d’Arménie. Victime d’un tremblement de terre au XIVe
siècle, la cité a brutalement perdu le rayonnement qu’elle exerçait sur l’Asie centrale au Moyen Âge. « La cité aux mille églises », où les cathédrales côtoyaient autrefois les caravansérails, et où fut construite la première mosquée sur le territoire de l’actuelle Turquie, est laissée à l’abandon et aux herbes folles. Depuis peu, il est possible de visiter ce site archéologique sans autorisation administrative, et même d’y prendre des photos, signe d’un faible apaisement. Mais de part et d’autre des gorges de la rivière Arpaçay, les militaires veillent sans discontinuer. Côté arménien, les soldats russes épaulent encore leurs confrères.
Direction le sud, la ville d’Igdir, toujours à la frontière avec l’Arménie. Ici, la Turquie se fait plus agressive. Une flèche de 43 mètres de haut commémore le « génocide des Turcs » qui auraient été massacrés par les Arméniens au début du XXe siècle ! Inversion de l’histoire qui fait frémir.
Sans aller jusqu’à renverser ainsi le cours de l’histoire, les autorités d’Ankara refusent toujours de reconnaître le génocide arménien. Le reconnaître constitue même un acte de trahison au regard de la loi. Ce qui explique l’opprobre jeté dans le pays sur les rares intellectuels qui osent avancer, tel l’écrivain Orhan Pamuk, que les morts côté turc ont été bien moins nombreux que côté arménien... Dans la région de Kars, où de nombreux massacres ont été commis, personne n’accepte le mot « génocide ». Les conversations commencent d’ailleurs souvent par : « Vous savez, le soi-disant génocide arménien, ce n’était pas un génocide... C’était une guerre et il y a eu autant de morts des deux côtés. » Une centaine de kilomètres plus au sud, la route nous conduit vers la frontière iranienne. Les check-points ponctuent le trajet. Parce que la route longe la frontière arménienne et qu’elle est un axe de contrebande important. Héritage, aussi, d’une époque pas si lointaine où les militaires turcs traquaient les membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui avaient engagé une lutte armée pour la reconnaissance des droits du peuple kurde.
Dogubayazit, à 35 km de l’Iran. Atmosphère moyen-orientale. Ici, le trafic est permanent et intense. Il fonde même l’identité de la ville : Dogubayazit, 36 000 habitants, gigantesque marché en permanente ébullition. Dans les rues, des porteurs, des vendeurs, des cireurs de chaussures, et de rares femmes, souvent revêtues d’un tchador. À la sortie de la ville, une quatre-voies parfaitement entretenue mène au poste frontière. Une file interminable de camions stationnes, au milieu d’un paysage ésertique. Une nouvelle Europe se dessine, porte vers le Moyen-Orient. Bientôt, peut-être.
V.V
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